mercredi, août 31, 2005

Coffee storiz



Hier (ou avant-hier, la notion est un peu informe quand il est trois heures du matin passé), j'ai testé un nouveau Strabucks au coeur de Motomachi auquel je ne m'étais encore jamais rendue. L'urge du "tu testeras TOUT avant de plier bagage" en pleine action, décoiffant. Or, on peut affirmer que celui-ci présentait un concept vraiment étonnant si l'on considère le fait qu'il était couplé avec... une banque! Comme ça, dans le même rez-de-chaussée du même batîment, pof, on rentre à la fois dans l'un et dans l'autre! D'un côté le comptoir à café donc, modèle typique de base, retrouvé dans les différentes antennes, auquel on ajoute environ six tables, pas plus, dans la longueur, et de l'autre: entrée de banque, distributeur automatique ATM, écrans plasmas diffusant des nouvelles de la bourse et autres états statistiques de l'économie japonaise du jour, puis un accueil, et sur le côté un frand bureau avec des sièges en cuir servant apparement de lieu de consultation financière (le reste se poursuit au premier étage), le tout dans un décor surmoderne mais pas dénué de couleurs et un air de jazz.
En m'attablant là à siroter un café, je me suis dite après un "tiens, l'Euro prend +0,35 de valeur!" les yeux fixés sur les comptes-rendus de la bourse, que j'avais sûrement marqué un point dans le tableau des "expériences inédites" de ce bizarre monde... °_°;
Que d'aventures! Du Indiana Jones des villes ma bonne dame!

Et le propos ne s'arrête pas là, oh non! En réalité, le décor vient juste d'être mis en place...
Sauf que la suite viendra demain (ou peut-être même aujourd'hui si vous êtes sages, ou alors qu'on considère attentivement les informations que donne l'horloge électronique) :-)


Et maintenant, je m'en retourne à la chasse à la cigale, puisqu'une aventureuse a "de toute évidence" réussi à s'infiltrer subrepticement dans ma chambre aujourd'hui... (hier? aaah! suffit! que le jour se lève et que l'on y revienne plus!)

mardi, août 30, 2005

Dépoussiérage et grande messe de pétards

*Keuf keuf*. Olala, mais elle prend la poussière cette page! Scandaleux, mais que fait la maîtresse de maison?

(ah, quoi? Que me dit-on dans l'oreillette? Ce serait moi en fait?
...
Eeeh, c'est plutôt charmant ici, comme endroit... )


Pour combler un peu le vide comatique de ces derniers temps, voici une fournée de photos prises le 6 août dernier sous le pont de Port Island à l'occasion du grand festival de feu d'artifice de Kôbe. D'un coup de la vie avait surgi sur cette île endormie où il ne se passe jamais rien, et où - à l'exception de quelques bâtards errants venus de l'autre côté des mers- pas plus d'un chat n'ose mettre le pied dehors après la tombée du jour (vers..18h30/19h? :/), c'était un peu hallucinant.





































































































































Sans les "ooooooh!!!", les "sugooooooi!" (supeeeeeer!), les "kireeeeeeeiiii!!" (c'est beaaaaauuu), et autres combinaisons "oooooh sugooooiii kireeeeii" qui résonnent dans les oreilles, je reconnais qu'on pert un peu de l'essence fondamentale de ce grand rassemblement de ferveur populaire. Mais je vous enjoins à vous exclamer vous-même devant votre écran!
SUGOOOOI !

lundi, août 22, 2005

Squeezed lemon

Mémoire absolument atroce, mais par la force des choses fini.

Qu'une âme charitable me jette à la poubelle maintenant, je n'ai plus la force de m'y balancer toute seule.

lundi, août 15, 2005

Date anniversaire, #2

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M. Koizumi présente les excuses du Japon pour les souffrances provoquées durant la guerre

Le Monde | 15.08.05 |

A l'occasion du 60e anniversaire de la capitulation du Japon à la fin de la seconde guerre mondiale, le premier ministre japonais a présenté, lundi 15 août, des excuses pour les souffrances provoquées en Asie par le militarisme de son pays. Junichiro Koizumi a également promis que le Japon ne participerait plus jamais à une guerre. "En ce 60e anniversaire de la fin de la guerre, j'affirme que la paix et la prospérité dont nous bénéficions aujourd'hui sont bâties sur les sacrifices de tous ceux qui ont perdu leur vie, contre leur gré, dans ce conflit", a-t-il dit.
"Je réitère ma détermination à ce que le Japon ne reprenne jamais le chemin de la guerre. Le Japon a provoqué d'énormes dégâts et souffrances dans un grand nombre de pays, tout particulièrement parmi les peuples d'Asie, du fait de sa colonisation et de son agression. (...) Acceptant avec humilité ces faits historiques, nous exprimons à nouveau notre profond remords et nos excuses les plus sincères et nous présentons nos condoléances aux victimes de la guerre au Japon et à l'étranger", a ajouté le premier ministre en s'engageant à bâtir des relations de confiance avec les pays d'Asie.

On s'attend à ce que M. Koizumi renonce à se rendre lundi au sanctuaire de Yasukuni à Tokyo, mémorial érigé à la mémoire des victimes japonaises de la guerre, aux côtés desquelles reposent d'anciens criminels de guerre nippons. L'actuel premier ministre se rend chaque année en pélerinage à Yasukuni depuis son arrivée aux affaires en 2001, mais jamais le jour anniversaire de la fin de la guerre. Il affirme que ce geste annuel a pour but de rendre hommage aux victimes de la guerre et de prier pour la paix. Mais deux membres de son gouvernement – les ministres de la santé et de l'environnement, Hidehisa Otsuji et Yuriko Koike – ont décidé de maintenir le déplacement, ce qui ne manquera pas de provoquer des sentiments de colère et d'indignation en Chine et en Corée du Sud.

LE SOUVENIR DU CONFLIT PERSISTE

A Pékin, les autorités chinoises ont renforcé leur dispositif de sécurité aux abords de la résidence de l'ambassadeur du Japon de crainte de nouvelles manifestations antinipponnes à l'occasion du 60e anniversaire de la capitulation de l'empire du Soleil levant. En avril, cette résidence avait été au centre de manifestations populaires provoquées par la volonté de Tokyo d'obtenir un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU et de réviser un manuel d'histoire jugé trop laxiste sur les atrocités commises par l'armée impériale pendant la guerre.

Dimanche, le président chinois Hu Jintao s'est rendu au pont Marco Polo, site en 1937 de l'une des plus célèbres batailles de la guerre sino-japonaise, où il a déclaré que son pays, tout en n'oubliant pas les leçons de l'histoire, se tournait résolument vers l'avenir.

Soixante ans après l'appel de l'empereur Hirohito adjurant ses sujets à "supporter l'insupportable" en acceptant la défaite, le souvenir d'un conflit qui a fait des millions de morts en Asie, dont trois millions de Japonais, continue de peser lourdement sur les relations entre l'archipel nippon et ses voisins. Beaucoup de Japonais pensent notamment que le temps des excuses est révolu et que Tokyo ne devrait pas céder devant les critiques du géant chinois. Dans un récent sondage, les personnes interrogées ont cependant estimé que les Japonais ont eu tort de faire la guerre à la Chine et que les débats après la guerre sur la responsabilité du Japon ont été insuffisants.
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En passant:
Si Koizumi tient tellement à respecter le rejet de la guerre de son pays, institué noir sur blanc dans l'article 9 (renoncement à la guerre, à la possession d'une puissance militaire, et d'un armement militaire) de la Constiution de 1946, pourquoi d'autre part un tel acharnement droitiste à vouloir réformer à tout va, y compris la dite-constitution, et -tiens, comme c'est étrange- en particulier l'article 9?
Anyway, moi je suis curieuse de savoir combien de (courtes) années cela va prendre pour que les "Jieitai" (les Forces d'Auto-Défense japonaises), qui, malgré de larges restrictions de leur champ d'intervention, ont tout d'une force militaire normale (et un des budgets les plus élevés au rang mondial, quand même), soient renommées "Guntai", "Armée", tout simplement.
Encore de belles batailles linguistiques en perspective...

(Et non, je ne suis pas sponsorisée par Le Monde. -_-)

dimanche, août 14, 2005

Give me a break

J'ai une démentielle envie de crier, là tout de suite dans la seconde. Je la sens monter dans un bouillonnement digne des sources chaudes démoniaques de Beppu, elle est prête à quitter le seuil sacré, se déverser et résonner aux quatres coin de Port Island...
Pourquoi est-ce TOUJOURS dans les moments de rush intense et de deadlines que mon ordinateur prend le malin plaisir de faire des plantages de Word à répétition et efface l'avancement de mes travaux?!
勘弁してくれ〜よ、もう!!!!! >_<
Cela m'avait fait le coup plusieurs fois alors que je rédigeais les articles pour le MJmag, évidemment aussi pendant la période de rédaction des rapports du premier semestre, et voilà, forcément, cela ne pouvait que recommencer, maintenant que je suis à la bourre pour finir mon mémoire japonais.
Non seulement c'est terriblement frustrant, mais cela a le don de réveiller mes pulsions violentes, ce genre de choses. Je pense bien que je pourrais tordre le coup au premier sanglier qui passe, l'éviscerer avec les dents, et le pendre par les pieds à un arbre, présentement.

L'Homme a crée la machine, la machine a crée la dépendance à la machine. L'humanité est assouvie.
Et j'ai mal à la tête...

dimanche, août 07, 2005

Bonne humeur

Juste comme ça, sans raison. On met juste un peu les questions d'avenir sur le côté, et on sourit pour le moment.


Bande son: Sukima Switch 2nd album
ルン。

samedi, août 06, 2005

Un très beau jour d'été, un peu comme aujourd'hui

Il est quand même étonnant de constater que c'est précisément à "8h15" que je me suis réveillée et ai mis pied à terre Aujourd'hui.
Je ne m'en suis pas rendue compte tout de suite, et ce n'est qu'après avoir ouvert machinalement l'ordinateur, lancé la musique ("tiens, le shuffle choisit les Wampas, cool"), et que cinq minutes se passent, pour que mes yeux tombants sur l'icône-montre et que je note la chose, "une certaine ressemblance". Drôle de hasard ou action de l'horloge de l'inconscient? Quoiqu'il en soit, abandonnant la musique d'ambiance j'ai tout de suite allumé la TV pour suivre la retransmission des cérémonies de ce jour d'histoire, qui nous replonge 60 ans dans le passé.

Deux jeunes élèves de primaire adressent un discours devant une foule de gens correctement assemblés dans le parc de la paix. Le message fort que feu Jean-Paul II avait envoyé dans des circonstances identiques revient sur leurs lèvres. Puis vient le tour du sôridaijin ("Premier Ministre"): Junichirô Koizumi de passer de l'autre côté du micro. De manière étonnante, il plie l'affaire en trois minutres, chrono. "Les armes nucléaires c'est mal, le terrorisme nucléaire c'est mal, la coopération intérnationale c'est bien". Précis, concis, américain.
Mais ma surprise ne s'arrête pas là. Il est exactement 8h36, et NHK (la 1 japonaise) arrête là son programme et embraye tranquillement sur un drama télévisé de série B, picturant une jolie jeune fille qui court en plein extase avec ses chèvres et ses poneys dans les landes d'une terre s'apparentant à Hokkaidô. Et sur AUCUNE autre chaîne je n'ai pu trouver une seule émission sur "l'évènement" à cette heure. Les talk show débiles se poursuivent sur les unes, les sacs de marques sont toujours présentés à la vente sur les autres, et les marionnettes de cacahuètes continuent de faire du rodéo sur les chaînes éducatives.
Direction internet, et Google actualités- Japon. Deux trois petites notes de style AFP (environ 8 lignes) se glissent entre la très médiatiques réforme des Services Postaux et l'arrestation d'un super tueur.
Il n'y a pas quelque chose de bizarre?
Et moi qui défendait jusque là dans mon mémoire l'idée que le Japon était un pays à fort potentiel commémorateur, je me sens un peu flouée là. On va dire que j'ai raté les bons moments ou que je n'ai pas bien cherché, hein.
En attendant, "Libération" fait sa Une sur ça, et propose sur son site tout un dossier en ligne, so as Le Monde.


Les arbres repoussent, les témoins de l'Histoire s'éteignent, et la mémoire doucement prend de la patine.
Little Boy, Hiroshima, le 6 août 1945, 8:15, ce n'est pourtant qu'une affaire de soixante ans.



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Au Japon, la mémoire de l'horreur nucléaire d'Hiroshima s'estompe
LE MONDE | par Philippe Pons

La ville est avenante, aérée, avec ses avenues verdoyantes et ses rivières paisibles : Hiroshima, la "ville de l'eau" , disait-on, parce qu'elle s'étend dans le delta du fleuve Ota et de ses six bras. Aujourd'hui, ses monuments aux victimes du feu nucléaire, la carcasse du dôme de ce qui fut la chambre de commerce l'un des rares vestiges du bombardement du 6 août 1945, comme son Mausolée à la paix, qui occupe le centre de la ville sont intégrés au paysage urbain. Dans les esprits s'opère un estompage analogue : lamémoire s'effrite, l'horreur se dilue, le drame se fossilise.

Les témoins disparaissent et le nombre de visites des écoles diminue : de moins en moins d'écoliers peuvent donner la date du bombardement, indiquent les enquêtes de la municipalité. Parfois, des monuments sont profanés par des jeunes qui, pour s'amuser, mettent le feu aux guirlandes de grues en papier multicolores, symboles de paix. Saturée de culte du souvenir, Hiroshima doit renouveler son message pour qu'il porte encore dans un monde qui, en soixante ans, a connu d'autres formes de massacres de populations civiles.

Sur les 541 800 atomisés d'Hiroshima et de Nagasaki, 266 000 étaient encore en vie en mars 2005. A Hiroshima, où 140 000 personnes sont mortes lors de l'explosion de la bombe ou dans les semaines suivantes, on décompte 120 000 survivants. Ils ont en moyenne 73 ans. Combien seront-ils, dans dix ans, à pouvoir raconter ce qu'ont été le 6 août 1945 et les années d'après ? Car, si la mort a frappé certains d'un coup, elle a été moins miséricordieuse pour d'autres, qui ont vécu une lente agonie : la survie dans les gravats et la pestilence, les larves dans les plaies de corps écorchés vifs, les cheveux qui tombent, les vomissements de sang... puis les leucémies et les cancers. Aujourd'hui encore, les survivants vivent dans les affres de ces symptômes.

Avec pudeur, économie de mots ou au contraire en un flot intarissable, les atomisés racontent leur calvaire. "C'était ainsi" , dit cette vieille dame qui retrouve une sereine tranquillité après avoir égrené, les yeux clos, un long récit apocalyptique commencé par ces simples mots : "Ce jour-là..." Certains se murent dans le silence. D'autres, encore terrifiés par les éclairs des orages, revivent au soir de leur vie le traumatisme qu'ils ont subi. Parfois, ils se sentent coupables de ne pas avoir porté secours aux survivants hagards ou aux agonisants implorants. Ils tendent à s'identifier aux morts, et certains mettent fin à leurs jours, hantés par le cri du poète atomisé Sankichi Toge : "Rendez-nous notre humanité !"

ABANDONNÉS À LEUR SORT
Pendant des années, les victimes du feu nucléaire ont été abandonnées à leur sort. Les plus pauvres ont croupi dans des bidonvilles, comme celui de Motomachi, la "honte d'Hiroshima" , disait-on. Au début de l'occupation américaine, en septembre 1945, les hôpitaux militaires avaient été fermés. En dépit de médicaments fournis par la Croix-Rouge internationale et l'occupant, ainsi que du dévouement d'infirmières et de médecins, les irradiés furent laissés pratiquement sans soins, en raison du secret que les Etats-Unis voulaient entretenir sur les effets de la bombe. Longtemps, on a ignoré comment soigner ces terribles blessures, stopper les hémorragies des écorchés vifs. Jusqu'à la signature du traité de San Francisco, en 1951, les informations sur Hiroshima ont été censurées. Fin 1946 avait été ouvert un laboratoire militaire américain, baptisé Atomic Bomb Casualty Commission (ABCC) : il ne prodiguait aucun soin, mais pratiquait des tests sur les irradiés et exigeait les cadavres pour les autopsier. Parfois, lorsqu'il n'y en avait pas assez, il les achetait, raconte le photographe Kikujiro Fukushima : "Un homme vendit ainsi le cadavre de sa femme pour pouvoir lui organiser des obsèques" , dit-il.

L'ignorance de l'origine des maladies et la crainte que l'irradiation soit contagieuse firent des atomisés (60 % des victimes étaient des femmes, des enfants et des personnes âgées) des êtres déshumanisés, rejetés par les employeurs, un éventuel conjoint, leurs voisins, voire leur famille. Leur calvaire est raconté dans une bande dessinée, Gens aux pieds nus , de Keiji Nakazawa, qui rappelle, dans un récit poignant, ce qu'il vit avec ses yeux d'enfant (J'avais six ans à Hiroshima , Le Cherche Midi éditeur, 1995). L'ostracisme à l'égard des atomisés en renforça d'autres, la discrimination frappant les Coréens 30 000 irradiés et les descendants des hors-caste de l'époque prémoderne (équarrisseurs et bouchers), qui devinrent doublement victimes.

Jusqu'en 1957, les atomisés ne bénéficièrent d'aucune assistance spéciale. La misère et la désagrégation du tissu social firent de l'Hiroshima des années 1950-1960 une "ville sans loi" : les bandes criminelles formées par certains des milliers d'orphelins du bombardement y étaient si célèbres qu'elles ont inspiré l'un des classiques des films de yakuza s (gangsters), Batailles sans honneur , une série de Kinji Fukasaku qui brosse avec un réalisme cru un portrait de la pègre de l'après-guerre.

C'est cette mosaïque de souffrances et de drames individuels silencieux qui constitue l'héritage d'Hiroshima : des drames reflétés dans des peintures d'amateurs ou dans les oeuvres d'écrivains comme Hisashi Inoue, telles que Chichi to kuraseba (Vivre avec mon père), 1994, adapté au cinéma en 2004 par Kazuo Kuroki sous le titre anglais The Face of Jizo , qui raconte le tête-à-tête entre une fille et le fantôme de son père, trois ans après le bombardement. L'approche n'est pas politique mais empreinte de tendresse. "Ces bombes ont été lancées non seulement sur des Japonais mais sur tous les êtres humains" , écrit Hisashi Inoue.

ACTE D'INHUMANITÉ
Longtemps, la première ville atomisée du monde s'est perçue uniquement comme victime. Son drame semblait suspendu dans un vide historique. Que s'était-il passé avant ? Hiroshima se résumait à une promesse de paix. Ce n'est plus le cas : depuis une dizaine d'années, le musée rappelle l'expansionnisme japonais et l'origine de la guerre. Mais Hiroshima parvient mal à élargir la portée de l'acte d'inhumanité dont elle a été victime en faisant de son drame le fanal d'une condamnation du terrorisme d'Etat que représente tout bombardement de populations civiles. La voix des atomisés faiblit : le premier ministre, Junichiro Koizumi, a rompu avec la tradition de les rencontrer lors des cérémonies du 6 août.

"Reposez en paix. Les erreurs ne se reproduiront plus" , peut-on lire sur le monument aux victimes. "Répéter ce voeu pieux n'a plus de sens" , estime Yuki Tanaka, professeur à l'Institut de la paix d'Hiroshima. "Hiroshima a connu l'horreur à l'état pur : ses habitants ont été victimes d'un génocide mais, pas plus que dans le cas des juifs, ces atrocités ne doivent faire oublier d'autres tragédies. Nous devons nous dégager de cette myopie et lier le drame d'Hiroshima à notre époque. Unique, le bombardement atomique présente des similarités avec d'autres massacres de populations civiles que nous avons sous les yeux" , explique-t-il. L'allergie au nucléaire reste profonde chez les Japonais, mais ils semblent plus fatalistes face à l'usage de la force contre des populations civiles, comme si, peu à peu, leur allergie se dissociait du pacifisme dont ils se réclament.

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lundi, août 01, 2005

OH!

Le monde est décidément petit... et plein de surprises.

"Le Monde" d'aujourd'hui (justement) a publié un article écrit par mon professeur de l'Inalco de deug et de licence (première surprise!), article qui touche directement une partie de mon mémoire en japonais (deuxième surprise!!), un sous-sujet que j'avais déjà innocement abordé ici il y a quelques temps à travers un article du Times (ça en fait beaucoup des surprises!!!)
On note la progression croissante du nombre de points d'exclamation, qui se veut proportionnelle à une teneur de stupéfaction tout aussi croissante dans cet enchevêtrement spontané de déterminants communs. Et si vous n'avez pas compris cette phrase, ce n'est pas grave, moi non plus.
Parfois tout de même, on se dit qu'il n'y a vraiment pas de hasard sur cette planête.

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LE MONDE | Point de vue
Le Japon, pays des souvenirs douloureux, par Michaël Lucken

Les visites annuelles du premier ministre japonais au Yasukuni jinja ("sanctuaire du pays calme") où sont enregistrés les noms de ceux qui sont morts pour la patrie, provoquent depuis longtemps la colère de la Chine et de la Corée du Sud, qui refusent que l'Etat nippon honore ainsi un lieu comptant des criminels de guerre au nombre des martyrs. Il semblerait que le Japon étudie désormais sérieusement une solution au problème, et notamment l'arrêt pur et simple de ces visites officielles, ce qu'approuveraient 49 % des Japonais, selon un récent sondage.

Une autre piste consisterait à transférer les âmes des criminels de guerre dans un autre sanctuaire. Néanmoins, le directeur de cabinet du ministère de la santé et du travail, qui gère au Japon les questions commémoratives et funéraires, affirmait voici peu que les personnages en question "ne sont plus des criminels" , réactivant le discours conservateur qui veut que la justice des procès de Tokyo ne peut plus avoir cours aujourd'hui.

Soixante ans après la fin de la seconde guerre mondiale, les Japonais sont toujours en proie à des souvenirs douloureux et ne parviennent pas à surmonter le conflit interne qui les tourmente. Ils restent partagés entre leur responsabilité nationale pour les crimes commis par leurs armées et une impression très vive d'avoir été manipulés et massacrés par un Occident cynique qui les fascinait, mais dont ils n'avaient compris ni les intérêts ni les valeurs, d'avoir en définitive été davantage victimes que bourreaux.

Rappelons quelques chiffres. La guerre fit de très nombreuses victimes au Japon : suivant la date à laquelle on arrête le décompte et selon les sources, entre 1 750 000 et 2 300 000 militaires périrent dans le conflit ; en ce qui concerne les civils, le chiffre est compris entre 660 000 et 800 000 morts, soit au total entre 2 410 000 et 3 100 000 morts. Cela représente plus ou moins 4 % de victimes sur une population totale qui était de 73 millions au début de la guerre du Pacifique.

Dans l'Archipel même, plus de 175 villes, auxquelles il faudrait ajouter des dizaines de petites localités, furent bombardées par les forces américaines. En moyenne, l'armée américaine estime que, dans les principales zones urbaines, 40 % du bâti a été détruit. A Osaka, le chiffre est de 59 %, à Tokyo, de 65 %, à Nagoya, de 89 %.

La bombe qui fut lancée sur Hiroshima était une bombe à uranium. Sur l'ensemble de la ville, on estime que près de 90 % des constructions furent détruites. Environ 70 000 personnes périrent sur le coup et environ le double dans les semaines, les mois, les années qui suivirent. Dans le cas de Nagasaki, la bombe était au plutonium. En raison de la configuration particulière du relief, l'effet de la déflagration y fut concentré : on estime que 40 000 personnes y trouvèrent la mort le jour même. Rappelons enfin que l'île d'Okinawa fut le théâtre de très violents combats, qui touchèrent les civils de plein fouet.

L'ensemble de ces données est aisément disponible dans les livres japonais, et notamment dans les livres scolaires. Par contre, les chiffres des morts et des dommages provoqués par le Japon sont, eux, donnés de façon beaucoup moins régulière, et surtout avec une tendance nette à faire une distinction entre les Américains et les Asiatiques.

En Chine, le nombre de victimes directement imputables aux armées japonaises est extrêmement fluctuant. Il y aurait eu entre 1 300 000 et 1 500 000 soldats tués (entre 1937 et 1945), quant au nombre de civils, il est de l'ordre de plusieurs millions. Il est toutefois difficile d'être beaucoup plus précis, car parmi les victimes recensées en 1947 par l'ONU beaucoup ont été tuées par d'autres Chinois et, bien que les responsabilités du Japon dans la grande famine de 1945-1946 soient certaines, on peut toujours prétexter qu'il s'agit là de victimes indirectes. Les mêmes incertitudes existent en ce qui concerne les pertes aux Philippines, en Indonésie ou au Vietnam. S'il est évident que les armées nippones ont été la cause de millions de morts en Chine et ailleurs, les Japonais n'ont pas un sentiment clair de l'étendue de leur culpabilité : ces millions fluctuants et anonymes semblent n'avoir que peu de poids face aux décès de leurs 2 303 998 compatriotes morts pour la patrie, dont les noms sont dûment enregistrés au Yasukuni jinja.

A contrario, le Japon a clairement le sentiment d'avoir été la victime de l'Occident, et des Etats-Unis en particulier. Il est vrai que, par rapport aux Japonais, les Américains n'ont subi que peu de pertes au cours de la guerre du Pacifique. De façon brutale, on peut dire que les Japonais ont tué environ 100 000 Américains, tandis que, dans le même laps de temps, les Américains ont causé la mort de près de 1,4 million de Japonais (900 000 soldats et 500 000 civils), soit un rapport effarant de 1 à 14.

Même si ces données ne sont quasiment jamais formulées aussi sèchement dans l'Archipel car elles blesseraient la fierté nationale et pourraient nuire aux intérêts de l'alliance stratégique nippo-américaine, les Japonais gardent, de manière diffuse, l'impression d'avoir été massacrés par un adversaire impitoyable. Les Japonais n'assument ni les chiffres qui leur montrent qu'ils ont été d'épouvantables occupants de la Chine ni ceux qui leur donnent l'impression d'avoir été matés comme une peuplade primitive, ou, plus exactement, ils ne les acceptent pas ensemble. Car, malgré la cohérence interne du mouvement d'expansion belliqueuse qui part de la prise de contrôle de la Mandchourie et mène à la conquête du Pacifique, le Japon n'a jamais perçu les bombardements américains sur son sol comme la punition de ses mauvaises actions en Chine, d'autant plus que, avec l'occupation et la guerre froide, le pays a uni son destin à celui de son vainqueur, et la Chine, devenue communiste, est restée plus que jamais dans le camp des ennemis. Cette disjonction entre le crime et le châtiment fait du cas japonais un cas particulier, bien différent de celui de l'Allemagne.

Ce phénomène peut en partie expliquer que le Japon n'ait jamais vraiment accepté les condamnations pour crimes de guerre prononcées par le tribunal d'Extrême-Orient. Les six généraux et le diplomate exécutés en 1948 (ainsi que les 1 000 autres condamnés à mort de rangs B et C) n'ont jamais été mis au ban de l'histoire, comme le montre bien le problème du Yasukuni jinja.

Du reste, plusieurs autres lieux leur sont dédiés. Il existe dans la péninsule d'Izu un temple bouddhique qui leur est entièrement consacré. Quant à leur tombe, elle se trouve sur le mont Sangane, dans le département d'Aichi, à proximité de plusieurs autres monuments aux morts "ordinaires". Enfin, en plein cœur de Tokyo, face à la grande gare centrale, on peut voir une statue connue sous le nom d'Ai no zô ("L'Amour") qui a été discrètement érigée en 1955 à leur mémoire. Aucun héros n'a émergé au Japon qui symboliserait ce que la nation veut conserver de l'histoire de la seconde guerre mondiale. Dans l'Archipel, on ne trouve l'équivalent ni du Musée Jean-Moulin ni du Mémorial MacArthur, et il n'existe pas de statue importante qui célèbre le souvenir de tel résistant ou de tel homme politique en particulier. Il n'y a pas non plus de figure du mal, de personnage honni, parce que beaucoup de gens, comme le rappelle l'historien Oguma Eiji, se sont sentis à la fois bourreaux et victimes, de manière synchronique et sans rapport de cause à effet.

C'est pourquoi les figures qui symbolisent l'après-guerre sont presque toujours anonymes et allégoriques, comme ces nombreuses statues "pour la paix" qu'on trouve aux abords des gares ou devant les mairies. Il faut souhaiter voir prochainement les Japonais accepter de couper dans leur passé et tracer des lignes plus claires entre ceux qui ont été des héros et ceux qui ont fait le mal, condition sans doute indispensable pour construire sur le long terme des relations de confiance avec leurs voisins asiatiques.

Toutefois, ce travail ne pourra se faire sans poursuivre l'examen du comportement des Américains pendant et après les hostilités, ni, surtout, sans une compréhension globale et contrastée des causes et des conséquences de toute l'histoire de la colonisation.

Michaël Lucken est historien d'art, maître de conférences à l'Institut national des langues et civilisations orientales.
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(Sensei! J'essaie de vous contacter depuis deux mois...;_;)